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6 mai 2006

Le mythe de Thésée (partie 5)

Minerve et le Centaure, entre 1445-1510 par Botticelli

N’appartenir à aucun peuple, toujours rester seul, le pouvoir du sang.

« Cette douleur d’être rejeté, mon petit-fils est en train de la connaître et je ne l’accepte pas. » Egée lui avait parlé les yeux dans les yeux, comme il savait si bien le faire, comme il avait toujours su le faire… Le vieillard aux cheveux argentés avait gardé les mêmes yeux azurs de l’enfance. Le temps avait craquelé la peau couleur miel, la voix s’était enrouée, le corps était devenu frêle, prêt à se briser.

            Plus que tout autre, il connaissait la répugnance des grecs envers ceux qui n’étaient pas originaires d’Hellas, leur patrie. Les barbares (ceux qui ne parlaient même pas grec), les métèques (ceux qui s’étaient exilés sur cette terre qui n’était pas la leur) et même ceux qui n’avaient qu’un seul parent grec étaient considérés comme des sous-êtres. Et il savait parfaitement que le fils de Thésée dont la mère était une barbare devait être très mal vu par la population athénienne…Et pourtant aurait-il le courage d'affronter une nouvelle fois le regard des autres, lui qui depuis si longtemps s'était retiré du monde des hommes ? Bien sûr, nombreux étaient ceux qui le respectaient aujourd'hui, mais il savait mieux que quiconque que les amis d'hier pouvaient devenir les ennemis de demain...

            Chiron effleura de son index la cicatrice en forme d'étoile qu'il aborait, tout juste à côté de son coeur. Il avait failli mourir ce jour-là, sur le champ de bataille. Le centaure se souvenait encore du regard du seul ami qu'il n'avait jamais eu. Au-dessus de lui, sa tête auréolée d'une chevelure incadescente, ses yeux vert,s noyés par les larmes et le sang de leurs ennemis et ses incroyables tâches de rousseur réparties de telle manière que l'on avait devant soi une carte des constellations éclairant la nuit. Des siècles avaient passé, mais rien n'était différent.

-Pourquoi moi ? Thésée le législateur ne veut-il pas un autre pédotribe pour son fils ?

-Savais-tu qu'il y a encore de nos jours des athéniens qui me surnomment « le sage » ? Je sais qui a été ton maître et je refuse que mon petit-fils soit éduqué par un incompétent.

            Egée avait souri en prononçant cette phrase. Oui, bien sûr, il s'était renseigné à son sujet... Mais comment avait-il pu savoir un tel secret ? Comment avait-il pu trouver le nom de son maître ? Des souvenirs remontaient aux yeux du centaure. Son maître... L'archer qui porte au loin... Celui qui lui avait tout appris : le tir à l'arc comme la médecine, l'art du combat comme celui de la sagesse... C'était là qu'il l'avait rencontré pour la première fois... Ses cheveux roux étaient encore plus flamboyants et ses tâches de rousseur étaient encore plus prononcées... Lui aurait accepté à coup sûr. C'était peut-être pour cela que Chiron avait été favorable à la proposition du vieux roi...

            Désormais, il était en train d'observer l'enfant en silence. Né d'un athénien et d'une amazone, l'enfant ne manquait pas de vigueur et de coeur. Il y avait quelque chose en lui qui différait des autres. Chiron le ressentait au plus profond de lui-même, mais était incapable de le nommer. Etait-ce son regard franc et implacable ? Etait-ce sa façon de se tenir, droit, sans broncher ? Ou était-ce plutôt cette aura qui se dégageait de lui et qui lui conférait une toute autre dimension ? En tout cas, le centaure apprécia l'enfant dès la première seconde.

-Hippolyte, je te présente ton nouveau pédotribe, le centaure Chiron, dit Egée, au fond de la salle.

-Grand-père, qu'est-ce qu'un centaure ? Demanda l'enfant alors même que son pédagogue le poussait à se taire.

-Le peuple des centaures est très réputé à travers tout Hellas, mais tu as devant toi l'un des plus illustres. Chiron est le frère de Zeus, le roi des dieux.

            Il eut un léger rictus. Il détestait que les gens lui rappellent son ascendance divine. Car lui aussi, au même titre qu'Hippolyte, était un bâtard. Le fils d'un dieu (Cronos) et d'une mortelle... Son apparence physique l'avait condamné à être rejeté des hommes et des dieux mais c'était son sang qui l'avait condamné à être rejeté par les centaures. Chiron depuis son enfance était destiné à être solitaire.

            Mais il passa outre les douleurs du passé. Les présentations faites, il ne restait plus au centaure qu'à conduire l'enfant à l'Académie...

A suivre.

Basileus.

Tempera sur bois exposée à la Galleria degli Uffizi de Florence

(merci au site http://www.mythesgrecs.com/ pour l'image.)

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