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14 octobre 2006

Teacher Man : une jeune prof de L'Aigle lisant "un jeune prof à New York."

Bon, je sais, je raconte parfois ma vie dans ce blog qui, au départ, n'avait pourtant pas la prétention de se faire journal intime... Pourtant, il est vrai qu'étant donné que je parle de ce qui me plait, de ce qui me marque ou me fait avancer dans la vie, il devient incontournable de parler de ma vie. Autrefois, sur un certain forum, une personne (qui j'en suis sûre ne vient pas sur ce blog...) m'a vivement reproché le fait que dès lors que je me mettais à parler de moi, il fallait que je place le fait que je suis professeur de Lettres. Ce qui la dérangeait là-dedans était justement cette position *respectable* de professeur, comme si je me posais en tant qu'élément incontournable de la société, m'imposant de toute ma personne sur les petites gens "qui ne savaient rien."

Si je parle de moi et si je dis *souvent* que je suis professeur, si je place quelque fois ce fait en tant qu'élément de mon argumentation, ce n'est surtout pas dans le but de m'en imposer, du genre "voyez ce que je dis, j'ai la science infuse, alors surtout : taisez-vous." Si je parle de mon métier, c'est que je suis fière de faire ce que je fais, c'est que même si ce n'était pas ma vocation première, c'est devenu ma plus belle réussite, voilà tout.

Pour en venir au sujet d'aujourd'hui, je tenais à vous présenter le dernier livre de Franck Mc Court, auteur des Cendres d'Angela, livre qui a été adapté au cinéma voilà quelques années et de C'est quoi l'Amérique ?

Teacher_Man

Voilà cet homme, écrivain connu et reconnu, qui décide un jour de faire un retour sur sa vie de prof à New York. Voici le résumé qui se trouve en quatrième de couverture :

Après avoir usé ses talents dans nombre de petits boulots hautement improbables, Franck McCourt se décide enfin à utiliser son diplôme d'enseignant.

-Premier poste : un lycée technique de Staten Island.

-Premiers élèves : des fauves.

Face à ces jeunes monstres, quelle attitude adopter ? Les punir ou les laisser macérer dans leur bouillon d'inculture ?

Au risque de fâcher sa hiérarchie, Franck choisit la ruse. Les élèves font des batailles de sandwiches ? Il les attrape au vol et les mange. Ils n'apportent jamais de mots d'excuses pour leur retard ? Il y voit une occasion de leur enseigner l'écriture en leur faisant rédiger les excuses d'Êve ou de Judas. Ils n'écoutent pas en cours ? Il les intrigue, les étonne, les subjugue grâce à des anecdotes sur son enfance irlandaise, histoires qui vont captiver les élèves les plus rétifs et bouleverser des générations de lecteurs du monde entier.

Alors, moi, jeune prof fraîchement émoulue de l'IUFM, quoi de plus intéressant pour moi que de lire (que dis-je ?) de dévorer ce livre. C'est bizarre comme on peut changer en quelques mois seulement... L'année dernière, j'aurais été tellement prise entre l'IUFM, mes cours de 4ème, ma tutrice (hum... avec qui je m'entendais... pas trop bien...^^') et le forum dont je vous ai parlé au début, qu'il m'aurait été carrément impossible de venir à bout de ce livre. Désormais, je suis libérée (quasiment) de l'IUFM, mais j'effectue un remplacement tous les jours dans un collège qui se situe à plus de 60 km de L'Aigle, j'ai 18h de cours à préparer, je m'occupe de deux 6èmes, une 4ème et une 3ème, j'ai pourtant dévoré ce livre en une semaine. C'est vous dire s'il faut vous précipiter dessus !

mccourtAu fil de cette autobiographie, McCourt livre au lecteur ses appréhensions de prof, ses attentes, ses bonnes surprises comme ses désoeuvrements. Ce n'est pas "juste un prof" à qui nous avons à faire, mais bien à l'homme tout entier. Du haut de ma très maigre expérience, je me suis comparée à lui. Ces sentations, ces doutes, chaque prof les connait. Celui qui les nie, se ment à lui-même. Oui, nous voulons leur apprendre quelque chose à ces élèves vautrés sur leurs chaises, qui nous regardent ou non, qui nous écoutent ou non. On se demandera toujours (et je ne pense pas que l'on aura la réponse) si nous sommes de "bons profs", mieux : si "nous les marquerons"... Se diront-ils un jour en repensant aux cours de français (ou d'anglais pour McCourt) combien Mlle B... ou Mr McCourt ont été marquants, combien ils leur ont fait aimer leur matière ? L'enseignement, contrairement à ce qu'on peut encore penser aujourd'hui (ce qu'autrefois je pensais) n'est plus de se comporter en prof distant, dispensant généreusement son savoir aux petits cerveaux ouverts et consentants des élèves dispatchés en rang d'oignons bien attentifs. Une collègue prof de latin me disait : "il faut se faire sexy." Oui, désormais, l'enseignement doit être "sexy", attractif. Il faut savoir se renouveller constamment, rester sur ses gardes, être à l'écoute de ces adultes en devenir et chercher ce qui pourra les toucher.

super_20teacherEn tant que prof de français, je dois enseigner aussi bien la littérature que la grammaire, et tout cela doit être "logique", siouplait, tout cela doit être fluide, Comprenez pas ? L'enfant doit trouver ça logique et surtout faut pas dire que la "langue c'est de la grammaire", la grammaire, c'est tabou, on en viendra tous à bout. Les réformes de l'enseignement passent, les profs restent. Enseigner, c'est savoir trouver le juste chemin entre Chrétien de Troyes et Kaamelott. Enseigner, c'est oublier les récitations barbantes des déclinaisons latines pour réussir à faire lire César dans le texte. Enseigner, c'est faire comprendre que tous les français peuvent être utilisés aussi bien le langage soutenu que les gros mots si savoureux. Bon, j'en passe et des meilleures... Ca n'empêchera pas certains élèves de te regarder avec un air de poisson mort, de se balancer sur leur chaise en égrainant les minutes qui les séparent de la sonnerie, seulement quand ceux-là commencent à s'intéresser à ton cours, à te poser des questions : c'est là on l'on se dit que c'est gagné et que c'est le plus beau jour de sa vie.

Lorsque pour la première fois, on m'a demandé ce qu'était pour moi le boulot de prof, j'ai répondu : "C'est un défi." Ca n'a toujours pas changé à mes yeux. C'est un défi de tous les jours, qu'on gagne quelques fois et qu'on perd aussi, un défi contre soi-même, celui d'intéresser et d'apprendre ceux qui se trouvent en face.

Basileus.

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