Chère Education Nationale...

Chère Education Nationale, toi qui m'a engagée voilà un an et demi,

Je t'écris aujourd'hui pour te dire que maintenant ça suffit, il va falloir arrêter de nous prendre tous pour des cons. Tu sais combien je t'apprécie (je n'aurais pas lutté pour avoir mon capès, sinon...), mais parfois tu vas trop loin, comme si tu ne te rendais pas compte de notre situation de profs.

Voilà quelques temps déjà (mais la situation date depuis plus longtemps que ça...) Ségo-go nous traitait tous de faignants, pas capables de faire les 35h. Avec notre salaire honteusement digne d'un Rothschild, nous osions nous faire engager au noir dans des boites à bac... Ecoute, ma chère Education Nat. (si tu permets que je t'appelle ainsi...), je propose que cette douce dame (je ne tiens pas à citer son nom, ça m'écorche la bouche) travaille en tant que professeur pendant deux semaines en ZEP afin de voir si oui ou non elle ne fait pas son quota de 35h. Tiens, rien que pour toi, je te remets ses paroles, si douces à mes noreilles...

Profs: Ségolène en off
envoyé par Jules-ferry

En gros, si j'ai bien compris le discours de cette grande dame, d'une part, les profs ne font qu'embobiner les pauvres parents et d'autre part, ne vous inquiétez pas si les "vieux de la vieille" récuellent, on s'arrangera avec la jeune génération pour les faire chanter. Ah là, là, chère Education Nationale, tu n'as jamais su comment t'y prendre avec nous n'est-ce pas ? Nous passons effectivement 18h devant les élèves, c'est exact, mais crois-tu vraiment que notre temps de travail se limite à cela ? Rajoute à ton compte :

• Les heures de préparation des cours (parce que si l'on arrive en cours sans préparation, on se fait laminer par les gamins...)

• Les heures passées à corriger les devoirs (je ne te parle même pas des dissertations de français en 1ère... ^^')

• Les heures passées en conseils de classe, en réunions parents-professeur, les conseils pédagogiques, etc.

• Les heures passées lors de séjours pédagogiques, sur la route (j'habite à une heure de l'établissement où j'effectue mon remplacement et je fais le trajet chaque jour), lors de stages qui nous sont imposés (et qui pour la plupart ne nous forment que dalle.)

Tu imposes à tes chefs d'établissement, chère Education Nationale de recenser "les cours non-assurés". Mais qu'est-ce qu'un cours non-assuré pour toi ? Un cours où le prof est absent ? (et si on donne du travail ou un devoir à faire, surveillé par un pion, est-ce encore un cours non-assuré ou alors se fait-on chier à bosser un cours, à préparer un devoir pour rien du tout ?) Est-ce un cours donné par le prof à propos d'autre chose que sa matière (exemple, une collègue d'angmais devait faire un cours sur le SIDA. Elle était devant ses élèves, mais cette heure a été comptée comme "cours non-assuré".) Nous sommes d'accord de faire les comptes dans ce sens, mais pourquoi ne comptes-tu pas les heures supplémentaires que nous faisons ? Ou alors ne fait-on tout ceci que dans un sens afin d'avoir la satisfaction d'entendre les parents d'élèves traiter les profs de faignants ?

Et s'il te plait, chère Education Nationale : arrête avec ton Iufm. C'est vraiment n'importe quoi ! Tu es en train de payer des formateurs à ne rien faire, à se la couler douce pour ne pas être devant des élèves "difficiles". En français, nous avons 2 formateurs pour le prix d'un. A quoi ça sert ? Pas grand chose, sauf à se moquer deux fois plus de l'incompétence des Iufm. Tu nous rassures en nous disans que lorsque nous sortirons de leur sein, nous serons suivis, aidés : mais là encore, c'est FAUX ! Nous revoilà avec des réunions de "profs anonymes", à recevoir exactement les mêmes cours que l'on recevait l'année précédente et à se demander comment il se fait qu'on soit obligé de se taper 2h de route aller et 2h retour pour entendre toutes ces conneries.

Ah oui ! Pendant que j'y suis, chère Educ. Nat., je te rappelle une nouvelle fois que je suis prof de français. Par là j'entends que ton ministre De Robien commence à me les chauffer sérieusement. Demande-lui d'apprendre à lire et surtout à réfléchir, ce cher petit n'a pas compris que la méthode globale n'était plus enseignée depuis des lustres et que les instits enseignent la méthode "semi-globale". Oui, en fait, quand on n'est pas trop bête, on remarque qu'on lit selon deux façons distinctes : on lit en utilisant les deux méthodes et les deux méthodes sont indispensables à l'apprentissage. (c'était un clin d'oeil de la part de mes collègues enseignants au primaire...)

Mais si je te parle de ce cher De Robien, c'est aujourd'hui par rapport à ma matière, plus précisément par rapport à la grammaire. Il va falloir se mettre d'accord et discuter avant de lancer des sujets comme ça, sans réfléchir, juste pour faire plaisir aux parents/électeurs... Oui, "la grammaire est une chanson douce", quand vos formateurs ne crient pas "Vade retro Satanas" devant le mot "grammaire". J'ai deux formatrices qui nous disent que la grammaire est un scandale, j'ai une amie professeur de breton qui a failli être recalée simplement parce qu'elle avait fait un cours de grammaire à sa classe : arrêtons les conneries, purée, arrêtons la masquarade et le petit jeu débile du "tu avances, tu recules, comment veux-tu, comment veux-tu que je t'enc..." Arrêtons les réformes à deux ronds de flanc pour reprendre les vieux trucs d'avant sous un autre nom pour faire neuf et super intelligent.

Bon, allez, j'arrête de t'embêter, chère Education Nationale, mais ne t'étonne pas que demain lundi 18 Décembre, certains de tes enseignants n'assument pas leurs cours. Non pas qu'ils soient faignants, mais c'est qu'ils en ont marre d'être pris sans arrêt pour des gros cons.

Je te fais plein plein de smacks.

Basileus.