Oreste, maudit parmi les hommes.

Voici encore un personnage cher à mon coeur dans la mythologie grecque (Mycénienne, plus particulièrement...), celui d'Oreste, fils d'Agamemnon et de Cytemnestre...

La guerre de Troie par laquelle tout finit et tout commence...

Tout commence il y a bien longtemps... Agamemnon, roi de Mycènes, la cité la plus prospère de Grèce est alors marié à Clytemnestre, soeur de la belle Hélène qu'il convoitait, hélas mariée à son frère Ménélas. Père de trois enfants : Iphigénie, Oreste et enfin Electre, Agamemnon est craint et respecté de son peuple. Et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'un ambassadeur troyen, Pâris, ne vienne enlever Hélène à Ménélas...

Car Hélène est si belle qu'elle a suscité l'envie jusqu'aux alliés de Ménélas et d'Agamemnon. Pour éviter tout conflit, Agamemnon eut l'idée géniale d'instaurer un pacte entre les cités grecques, afin que l'amitié subsiste à jamais en Grèce... Et lorsque Hélène est enlevée, Ménélas fait appel à ce pacte, à ce lien qui unit la Grèce toute entière. Désormais, les cités grecques entrent en guerre contre Ilion, la prospère. S'unissent aux deux frères des noms prestigieux comme Ulysse, le rusé roi d'Ithaque ; Achille, le puissant roi des Myrmidons ; Ajax le petit, roi de Locride dont le funeste destin s'inscrivait alors sur le visage ingrat ; Ajax le grand, roi de Salamine et fier guerrier ; le jeune et fougueux Diomède, roi d'Argos ainsi que le sage Nestor, roi de Pylos.

Des milliers de navires achéens se retrouvent donc en partance pour la terre Troyenne dans le port d'Aulis... Hélas, Eole n'est pas favorable à ce déploiement guerrier et aucun souffle de vent ne se lève. Les prêtres sont formels : le seul acte qui pourrait faire changer d'avis le dieu serait un sacrifice humain... Et pas n'importe lequel ! Un sang pur est nécessaire, le propre sang d'Agamemnon, le plus désireux de partir au front... Effondré, il se rend compte qu'il doit sacrifier sa jeune fille Iphigénie, encore dans la fleur de l'adolescence. Il appelle donc auprès de lui Clytemnestre et sa fille.

Le prétexte fallacieux est d'une grande ruse. Afin d'endormir les soupçons de sa femme, Agamemnon appelle Iphigénie auprès de lui dans le but de la marier à Achille. Clytemnestre est ravie : Achille est beau, invincible et respecté dans la Grèce entière... De plus, il avait déjà manifesté pour Iphigénie une légère attirance : Iphigénie, au contraire de sa mère allait donc être destinée au bonheur d'un mariage d'amour... Hélas... Arrivée au camp militaire, séparée de sa mère, Iphigénie est informée par son père de son funeste destin : sa robe de mariage deviendra son linceul... Clytemnestre, découvrant le meurtre de sa fille par son époux maudira le jour qui aura vu naître Agamemnon. L'indifférence d'un mariage sans amour laisse alors place à la haine glaciale d'une femme trompée et blessée dans sa chair...

Le meurtre...

Dix longues années de guerre où troyens comme achéens perdront beaucoup des leurs et qui verront tout de même la victoire des grecs. Et tandis que les autres rois prennent leur part du butin, Agamemnon éprouve un violent désir envers une jeune troyenne qui avait été emprisonnée... Elle n'est pas n'importe quelle troyenne, cette belle mystérieuse... Elle avait connu autrefois les fastes d'Ilion, le peuple l'avait acclamée, l'avait admirée... Et puis, Alexandre, son frère disparu était revenu sous le nom de Pâris... Cassandre l'avait annoncé impuissamment à son père Priam : Alexandre apporterait avec lui la mort et la désolation. Désormais, elle était seule à se rendre compte de la justesse de ses prédictions.

Maudite par Apollon dont elle avait rejeté les avances, violée par Ajax le petit devant le temple d'Athéna, Cassandre était abandonnée des dieux, elle le savait mieux que personne. C'est ainsi qu'elle ne fut pas surprise lorsqu'on la donna en concubinage au brutal Agamemnon qui était désireux de rentrer à Mycènes...

A Mycènes également, dix longues années s'étaient passées. Clytemnestre n'avait pas oublié sa haine pour son époux, mais l'amour elle l'avait enfin trouvé en la personne d'Egisthe, le cousin d'Agamemnon. Quand elle apprend que son époux revient en sa cité, Clytemnestre est furieuse : c'est la fin de son amour, c'est la fin de son deuil pour Iphigénie... Lorsqu'Agamemnon rentre à Mycènes avec Cassandre, Clytemnestre le prend comme un affront personnel. Après lui avoir ravi une des seules personnes qui comptaient vraiment à ses yeux, Agamemnon ose revenir chez lui, sa maîtresse pendue à son bras, triomphant et plus égoïste que jamais ? C'en est trop, il doit disparaître, cette douleur doit disparaître.

Le soir même, Clytemnestre appelle son amant et lui raconte son plan. Egisthe la soutiendra car voilà bien des années de cela, son père Thyeste avait été évincé du trône de Mycènes par Agamemnon. La mort de ce dernier rendrait toute sa légitimité à Egisthe...

Agamemnon prend son bain, comme il aimait à le prendre voilà bien des années. Mais les choses ont changé. Clytemnestre s'approche de lui, un sourire au coin de la bouche, il se penche afin qu'elle lui frotte le dos... A l'aide de son poignard qu'elle cachait habilement, elle transperce le corps de son époux encore et encore : pour l'humiliation d'avoir été toute sa vie comparée à sa sotte de soeur Hélène ; pour n'avoir jamais été aimée de son époux ; pour la douce Iphigénie, sa fille qu'elle aimait tant... Elle frappe encore et encore et teinte l'eau du bain du sang d'Agamemnon... Egisthe, de son côté, se rend dans la chambre de Cassandre. Elle sait que son heure est venue. Elle ferme les yeux pour la dernière fois et tend la poitrine...

Les années passent, mais le crime ne s'oublie pas...

A la mort d'Agamemnon, Egisthe épouse Clytemnestre et devient roi de Mycènes. Electre, jeune adolescente, craint pour la vie de son jeune frère Oreste, seul être qui pourrait encore s'interposer entre Egisthe et le trône de Mycènes. Elle pousse son frère à l'exil et demeurera au palais, avec la stricte interdiction d'honorer désormais la mémoire de son père.

Et les années passent encore et encore, aussi rapidement que les Moires les tissent, mais aussi longues que des siècles entiers aux yeux d'Electre, rongée par la colère et le désespoir. Oreste exilé grandit auprès de son oncle Strophios et de son cousin Pylade. Une seule pensée l'obsède : venger son père assassiné, rentrer à Mycènes et venger la mémoire d'Agamemnon... Mais, alors qu'il ne ferait qu'obéir à la volonté des dieux en tuant l'assassin de son père, Oreste est également conscient que le fait de devenir paricide en tuant Clytemnestre lui sera fatal. Aucun pardon n'est réservé à ceux qui tuent le sein qui jadis leur donna le jour.

Et dix ans plus tard, Oreste foule à nouveau la terre de ses ancêtres, accompagné de son meilleur ami Pylade. Personne ne le reconnait, Oreste n'en est pas géné. Son objectif est unique, il en a rêvé chaque nuit... Mais déjà, il sent dans son dos le souffle puant des Euménides, les 'bienveillantes' divinités persécutrices des grands criminels. Pylade, lui, ne dit rien. Il accompagne juste son ami et l'aide de tout son être.

Alors qu'Electre était sortie du palais pour chercher de l'eau, elle rencontre son frère et les yeux de l'amour fraternel reconnaissent Oreste immédiatement. Il lui annonce son projet, elle l'encourage à le mener à bien. Le destin s'enclenche, l'oracle d'Apollon l'avait prédit. Introduits par Electre dans le palais, Oreste et Pylade assassinent donc les deux amants régicides... Au moment où Oreste plonge la lame de son poignard dans le coeur de sa mère, les Erynies apparaissent, hideuses et répugnantes afin de tourmenter le prince. Malgré tout soutenu par Pylade, Oreste sombre peu à peu dans la folie, tandis qu'il fuit les déesses monstrueuses à travers la Grèce.

Epilogue

Arrivés à Athènes, Pylade et Oreste réclament justice auprès de l'Aréopage, assemblée de citoyens qui, sur les conseils d'Athéna, décide de l'absoudre du meurtre de sa mère. Oreste deviendra alors Roi d'Argos et donnera Electre en mariage à son ami Pylade qui à la mort de son père devint roi de Phocide.

A lire : La Guerre de Troie n'aura pas lieu, J.Giraudoux - Electre, J.Giraudoux -  Electre, Euripide - L'Orestie, Eschyle - Les Mouches, J-P. Sartre.

Basileus.